Lorna, l'incarnation du désir (Russ Meyer)

09-12-2012 à 19:22:42
Lorna, l'incarnation du désir (Lorna)







Réalisateur : Russ Meyer
Avec : Lorna Maitland, Mark Bradley, James Rucker, Hal Hopper, Doc Scortt, Althea Currier, F. Rufus Owens, Frank Bolger, James Griffith.
Pays : USA
Année : 1964

Lorna, l’incarnation du désir suit les affres d’une épouse frustrée sexuellement.

L’introduction est particulièrement réussie. La caméra avale les kilomètres sur une route de campagne, mimant la vue subective d’une voiture (si tant est qu’on puisse parler de vue subjective à propos d’une voiture !). À un moment, on voit un homme qui se tient au beau milieu de la route. La caméra freine puis s’arrête devant lui. C’est un prédicateur qui, fixant la caméra, donc les spectateurs, va nous faire un sermont enflammé. Nous sommes à la fois impressionnés et fort amusés par sa grandoliquence. Il termine par nous donner le choix entre faire demi-tour – il n’est pas trop tard – ou prendre le risque de continuer vers le spectacle de péchés qui nous attend. La caméra va reprendre allégrement sa course, continuant tout droit. Une mise en bouche bluffante, ne serait-ce que sur le plan purement technique.

Nous pénétrons ensuite dans une minuscule ville. La caméra s’arrêtera sur deux hommes qui sortent d’un bar. Un grand mince, déjà d’un certain âge accompagné d’un petit rondouillet passablement simplet. Traînant dans les rues, ils tombent nez-à-nez avec une femme émechée. Ils l’abordent, guillerets, mais elle va leur faire comprendre clairement qu’elle n’est pas intéressée. Ils la laissent aller pour la suivre à distance jusque chez elle. Là, le grand mince – celui qui prend toujours les initiative, l’autre n’étant qu’un suiveur – va violenter la femme et, alors qu’on s’attendait à avoir droit à un viol en bonne et due forme, va couper court et s’en aller. Il expliquera à l’autre que ce n’est pas celle-là qu’il veut.

Après ces petits détours narratifs, on en vient à Lorna. C’est la nuit, elle se languit dans son lit, alors que son mari étudie car celui-ci aspire à avoir un meilleur métier que ce qu’il a pour le moment. Enfin, il vient la rejoindre au lit, lui fait l’amour, mais trop rapidement, privant l’épouse de son plaisir. On suivra le monologue intérieur de Lorna. Son homme est un brave type, beau garçon, mais ne la comble pas. Le lendemain sera le jour de leur anniversaire en tant que couple, mais Lorna, connaissant son mari, est persuadée qu’il l’oubliera. De fait, le lendemain matin, en se levant et se préparant pour aller bosser, il n’y pense pas, confortant ainsi l’idée que Lorna se fait de lui. L’homme doit faire son casse-croûte tout seul, Lorna boudant dans son lit. Habitant le long d’une rivière, il part au travail en barque, avec ses deux collègues venus le chercher. Et qui ne sont autres que les deux lascars vus précédemment.

Pendant toute la journée, le grand mince va faire diverses insinuations salaces visant Lorna devant son mari, les hommes travaillant ensemble comme ouvriers dans une mine de sel. Le but de la manœuvre étant de désunir le couple en persuadant l’homme que sa femme le trompe, afin de pouvoir se taper Lorna en toute tranquillité.

Pendant ce temps-là, Lorna, seule à la maison, va tuer le temps en rêvassant et en allant se baigner dans la rivière un peu plus loin. Le coin étant désert, elle s’y baigne nue. Ce qui sera l’une des occasions d’admirer la plastique de Lorna Maitland (actrice et personnage ayant le même nom), dont les seins sont impressionnants (on voit qu’on est dans du Russ Meyer !). La belle fait ensuite bronzette sur les berges. C’est là qu’un prisonnier en cavale, venant tout juste de tuer un pêcheur dans sa fuite, va la trouver. Le criminel va sauter sur l’occasion et la viole (Lorna, pas l’occasion !). Mais ce qui commence comme un vrai viol évolue vers autre chose, car la belle Lorna se rend compte qu’elle vient enfin de trouver un homme qui la satisfait pleinement sur le plan sexuel ! Trop heureuse, elle tient absolument à ramener son amant chez elle.

Sans aller plus avant dans l’histoire, faisons remarquer que l’intrigue est fort épurée. Celle-ci se terminera le jour même, donc il y a presque une sorte d’unité de temps comme dans le théâtre français classique. L’action se résume finalement à très peu de chose (une femme frustrée trompe son mari, point barre). Et on sent que Russ Meyer étire en longueur son sujet pour en arriver au format du long métrage. Ca manque un peu de diversité, d’action trépignante. Cependant, ça reste un portrait de femme non denué d’intérêt dans le cadre de son époque. Adoptant le point de vue de la femme, Meyer montre que celle-ci n’est pas qu’un bibelot agrémentant la maison de sa beauté, mais qu’elle a aussi ses désirs, sa libido. Pas que cela soit révolutionnaire, mais c’est toujours bon à rappeler.